Planification Spatiale Marine en Afrique de l’Ouest : Mami Wata à pied d’œuvre en Côte d’Ivoire et au Bénin.
Les 16 et 19 février 2019, le projet Mami Wata a organisé deux ateliers réunissant des responsables gouvernementaux, des experts et des chercheurs sur la Planification Spatiale Marine.
Comment prévenir les tensions entre acteurs dont les activités entrent souvent en conflit dans un espace limité ? Peut-on prétendre à une cohabitation harmonieuse et à une complémentarité mutuellement avantageuse entre activités économiques le long des côtes et dans l’espace marin ? Telles sont quelques-unes des interrogations au cœur des ateliers organisés par le projet Mami Wata en Côte d’Ivoire et au Bénin respectivement les 16 et 18 février 2019.
Pour l’occasion, le Dr Adnan Awad, directeur de l’Institut Océanique International, basé en Afrique du Sud, avait fait le déplacement pour présenter les opportunités offertes par la Planification Spatiale Marine (PSM) comme outil d’aide à la décision. À Abidjan comme à Cotonou, l’expert a organisé des séances de travail avec ses homologues ivoiriens et béninois sur les avantages de la PSM. Les exercices de simulation ont permis aux experts des deux pays d’étudier les meilleures pratiques pour réunir autour d’une même table tous les acteurs qui interviennent dans une activité se déroulant sur l’espace marin ou côtier.
En Côte d’Ivoire, l’équipe Mami Wata a effectué trois visites de terrain en compagnie de l’équipe du projet GIAMAA (Gestion Intégrée de l’Aire Marine d’Abidjan à Assinie), conduite par Mme Marguerite Kouadio (Centre Antipollution de Côte d’Ivoire). A Vridi 3, l’équipe a présenté le projet aux pêcheurs artisanaux et pris la mesure des tensions avec les pêcheurs industriels.
Premier port thonier d’Afrique, le port d’Abidjan est le témoin d’une industrialisation qui fait peser une menace sur les stocks de poissons. Les alertes lancées par certaines organisations internationales sur cette situation et les plaintes récurrentes des pêcheurs artisanaux, notamment contre l’introduction de techniques controversées de pêche comme le DCP (Dispositif de Concentration de Poisson) avaient conduit les autorités ivoiriennes à réunir fin décembre 2018 à Abidjan, des chercheurs et des opérateurs du secteur pour se pencher sur cette menace.
A Bassam, l’équipe a visité l’embouchure du fleuve Comoé, fermée artificiellement depuis les années 1950 dans le cadre de la construction du port d’Abidjan. Selon le Dr Sankaré Yacouba, conseiller du projet GIAMAA « la fermeture de l’embouchure du fleuve Comoé a eu comme conséquence l’accentuation du phénomène de l’érosion côtière. Plusieurs tentatives de réouvertures se sont soldées par des échecs notamment à cause de l’ensablement ». Le gouvernement de Côte d’Ivoire souhaite ouvrir de nouveau l’embouchure. Pour aider à la prise de décision, Rob Barnes, expert en communications digitales chez GRID-Arendal, a fourni au projet Mami Wata des images aériennes du site, prises au drone.
Par ailleurs, l’équipe du projet GIAMAA a visité la région d’Assinie où se situent les site protégés des Iles Ehotilé et Assouindé, identifiés comme potentielles aires marines protégées (AMP) transfrontalières entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. La visite a permis de prendre la mesure de la difficile cohabitation entre les pêcheurs artisanaux et l’industrie du tourisme pour l’aménagement et la gestion de la zone marine et côtière.
Au Bénin, l’équipe Mami Wata s’est rendue sur le littoral en compagnie de l’équipe du projet GIZMAC (Gestion Intégrée de la Zone Marin et Côtière) conduite par sa coordonnatrice nationale Mme Faustine Sinzogan. Les équipes ont marqué l’arrêt à Togbé pour visiter la réserve de biosphère qui se s’étend jusqu’au Togo. Celle-ci est identifiée pour abriter une AMP. La visite de terrain s’est ensuite étendue à l’embouchure des Bouches du Roy, non loin de Grand Popo, où une AMP transfrontalière entre le Bénin et le Togo pourrait être conçue et mise en œuvre.
Sur place, le Dr Zacharie Sohou, directeur du Centre de Recherches Océanographiques du Bénin et M. Richard Dacosta, chargé de programmes à la Convention d’Abidjan ont échangé avec les opérateurs locaux et le délégué du gouvernement béninois dans le département. Ce dernier a soulevé le problème rencontré par les autorités béninoises à convaincre les femmes productrices de sel à adopter des techniques de productions plus soucieuses de la protection de l’environnement. Ces femmes avaient été initiées à la production de sel solaire sur bâche. L’expérience n’ayant pas été concluante, les femmes ont dû y renoncer pour revenir à une production à l’aide du bois de mangrove.
M. Dacosta a démontré au représentant de l’État béninois que dans d’autres pays (Gambie, Guinée Bissau, Guinée Conakry et Sierra Leone notamment), la production de sel solaire sur bâche est plus rentable que celle avec du bois (entre 18 et 20 kg par bâche contre 8 à 9 kg). Le Dr Abdoulaye Diagana, chargé de la communication et des partenariats à la Convention d’Abidjan a suggéré d’explorer une piste de coopération Sud-Sud pour amener les femmes béninoises productrices de sel à changer leurs comportements en s’inspirant de l’expérience de leurs homologues africaines.
Soutenu par le Ministère allemand de l’Environnement, de la Conservation de la Nature et de la Sureté Nucléaire, et mis en œuvre par la Convention d’Abidjan et GRID-Arendal, le projet Mami Wata travaille à promouvoir les activités anthropiques de manière intégrée et holistique, en veillant à garder l’équilibre entre conservation du milieu marin et côtier, et usages.
Dr Abdoulaye DIAGANA