Au Ghana, le combat quotidien d’entrepreneurs en matière de gestion de déchets littoraux – témoignage
Une équipe de la Convention d’Abidjan est allée à la rencontre d’un propriétaire de complexe hôtelier sur les plages d’Accra, dans le but d’en apprendre davantage sur les impacts de la pollution aux déchets marins et sur les mesures mises en place pour la réduire.
« La saison de ponte des tortues a laissé place à l’amas de déchets plastiques que nous récoltons quotidiennement… »
Le 23 février 2017, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement lançait une campagne mondiale #Cleanseas – Turn the tide on plastic, exhortant les gouvernements, le secteur privé mais également les consommateurs à réduire, de toute urgence, la production et l’utilisation excessive de plastique. Au Ghana, les principales zones de concentration de déchets plastiques se situent dans les agglomérations urbaines et les grandes villes localisées le long du littoral et attractives pour le commerce et les industries. La production de déchets par jour dans la plupart de ces centres urbains (Accra-Tema, Kumasi, Sekondi-Takoradi et Tamale) est d’environ 2 800 à 3 200 tonnes métriques[1]. Chaque municipalité accorde une franchise aux sociétés de gestion des déchets, qui se chargent de la collecte, de la transformation et de l’élimination de ces derniers. Les plastiques non récoltés finissent quant à eux dans les caniveaux, les cours d’eau puis sur les plages. C’est sur l’une de ces plages, à Accra, qu’une équipe de la Convention d’Abidjan est allée à la rencontre du Dr. Albert Tetteh Botchway, Directeur Général du complexe hôtelier Laboma Beach Resort, et M. Martey Korleys, responsable des opérations de cet établissement, dans l’objectif d’en apprendre davantage sur leur méthode de gestion des déchets s’échouant sur les plages.
- Nous avons tous été impressionnés par les récentes campagnes mondiales de sensibilisation, montrant les importantes quantités de déchets abandonnés sur les plages. Depuis combien de temps possédez-vous cet établissement ? Connait-il le même engouement que lors de sa création ?
Nous possédons cet établissement, qui offre des services de restauration et de concert, depuis près de 13 ans. Vous savez, la plupart des plages d’Accra sont très bondées. Ici, nous sommes sur une plage privée et accueillons une clientèle diverse, nous offrons un peu plus de calme. Nous recevons en moyenne 50 personnes par jour en semaine et jusqu’à 500 personnes durant le weekend.
- Avec une telle affluence, comment organisez-vous le nettoyage de votre espace au quotidien ?
La majorité des déchets que nous rencontrons au quotidien provient de la mer et de la lagune Kpeshi. Depuis quelques années, le nombre d’habitations le long de la rivière n’a fait qu’augmenter, entrainant avec lui l’accroissement d’installations anarchiques de conduits d’évacuation. En effet, les déchets de ces nouveaux ménages sont directement déversés dans la lagune et finissent dans la mer. Notre plage étant située à proximité de l’embouchure de la rivière, tous les matins nous constations l’apparition de nouveaux déchets provenant de la lagune et de la mer. Nous avons donc mis en place un programme de nettoyage quotidien. Nous avons 15 à 30 personnes, en fonction des jours, chargées d’assurer la propreté de la plage et le nettoyage des berges. Ces personnes travaillent 3 heures par jours de 5H00 à 8H00 du matin et sont rémunérées par le restaurant.
- Pouvez-vous nous donner une estimation de la quantité de déchets collectés par jour ? Enfin, quel avenir connaissent les déchets récoltés ?
Tout d’abord, il est important de préciser que nous ne disposons pas de moyen de tri sophistiqué ni de moyen de recyclage. Nous récoltons en majorité des objets en plastique : bouteilles, sachets et autres objets ménagers et industriels. Nous trouvons également fréquemment des objets de pêche tels que des filets. Parmi les déchets trouvés, nous faisons le tri des objets en plastique. Les bouteilles en plastique sont par exemple données à des compagnies chargées de recyclage sans contrepartie financière. Bien que nous remplissions 25 bennes à déchets par jour, il est difficile de quantifier précisément les déchets que nous récoltons au quotidien. Ce chiffre peut doubler durant la saison des pluies. Il est néanmoins important de souligner que nous avons vu le nombre de déchets récoltés diminuer, depuis que nous avons mis en œuvre cette initiative.
- Recevez-vous des fonds ou un quelconque appui dans le cadre de votre initiative ?
Nous sommes conscients de la nécessité d’avoir une plage propre. Si, la plage n’est pas propre, personne n’aura envie d’y passer du temps (rires). Il est donc nécessaire de faire ce nettoyage, avec ou sans partenaires. Dans le passé, cette plage constituait une zone majeure pour la ponte des tortues marines. Avec le temps, la saison de ponte des tortues a laissé place à l’amas de déchets plastiques que nous récoltons quotidiennement. Nous sommes certains qu’aucune tortue n’ait envie de pondre ses œufs dans un tel espace pollué. Nous pensons et espérons ainsi que notre initiative puisse contribuer à la protection de la biodiversité et pourra également donner envie à plus de touristes de fréquenter notre plage. Si nous serions évidemment ravis de recevoir l’appui de partenaires dans le cadre de la gestion de nos déchets, nous sommes fiers et trouvons ça gratifiant d’avoir jusqu’à présent conduit ces opérations nous-mêmes.
Alison AMOUSSOU
[1] Information communiquée par M. Godson Cudjoe Voado – Responsable des Programmes, Agence de Protection de l’Environnement du Ghana, Accra, Ghana.
Note : L’interview a été conduite à Laboma Beach – Ghana – puis poursuivie par entretien téléphonique.
Photographies : Alison Amoussou (Secretariat de la Convention d’Abidjan)