Des femmes au Bénin aident à protéger les mangroves en explorant de nouveaux moyens de subsistance
Des stratégies alternatives de subsistance et des améliorations technologiques sont proposées pour réduire la pression sur les forêts de mangrove et pour améliorer le bien-être des femmes productrices traditionnelles de sel.
Dans certaines communautés le long de la côte du Bénin en Afrique de l’Ouest, les femmes produisent du sel en faisant évaporer l’eau de mer sur des feux de bois de mangrove. Malheureusement, cette pratique traditionnelle contribue à la destruction des forêts de mangrove et nuit à la santé des femmes. Des ONG environnementales et d’autres groupes collaborent avec ces femmes pour résoudre ces problèmes en développant de nouveaux moyens de subsistance qui préservent les mangroves. Leurs solutions pourraient être appliquées dans d’autres pays d’Afrique et au-delà.
Les forêts de mangrove sont de riches écosystèmes qui prospèrent le long des côtes des pays tropicaux du monde entier. Les mangroves contribuent au bien-être des communautés environnantes en fournissant des services écosystémiques essentiels tels que l’approvisionnement en bois d’œuvre et en bois de chauffage, la prévention de l’intrusion d’eau salée et la protection contre les inondations, les tempêtes et l’érosion. Ces forêts constituent également un habitat important pour de précieuses espèces de poissons et de crustacés. À échelle globale, les mangroves sont également d’importants puits de carbone. La conservation et la restauration des forêts de mangroves sont donc de plus en plus encouragées en tant que solutions fondées sur la nature pour lutter contre le changement climatique et comme moyen d’aider les communautés à s’adapter à un climat plus instable.
Dans la zone autour de l’île aux Oiseaux du Bénin, dans le sud-ouest du pays, la coupe des mangroves et la dégradation de l’écosystème qui en résulte augmentent les menaces d’élévation du niveau de la mer, de raz-de-marée et d’inondations. L’un des facteurs qui contribuent à cette dégradation est le fait que les femmes locales brûlent du bois de mangrove pour la production de sel dans leurs maisons – une pratique qui affecte gravement la santé des femmes et de leurs familles en les exposant à une fumée nocive, qui peut provoquer des problèmes respiratoires et les exposer à des brûlures.
Afin de résoudre les problèmes environnementaux et sanitaires causés par cette méthode de production de sel, l’Agence béninoise de l’environnement (ABE) a commencé à développer des solutions en 2002. Par exemple, elle a proposé que les femmes fassent évaporer l’eau salée sur des bâches exposées au soleil, une méthode plus efficace que l’évaporation de l’eau sur des feux de bois de mangrove. Mais l’agence a rencontré des obstacles en essayant de mettre en œuvre ses nouvelles méthodes sur des sites pilotes. Toutes les femmes productrices de sel n’ont pas approuvé le projet ; certaines étaient en effet fortement attachées à leurs méthodes de production traditionnelles. Et si l’évaporation de l’eau salée sur des bâches est un succès dans des pays Sahéliens comme la Mauritanie, les longues saisons des pluies au Bénin font qu’il n’est pas possible de produire du sel sur bâches durant de nombreux mois de l’année.

Plus récemment, l’ABE et Eco-Bénin – une ONG environnementale impliquée dans la conservation et la restauration des mangroves – ont mené des projets qui ont encouragé les femmes à développer leurs propres idées de moyens de subsistance alternatifs, qui seraient au moins aussi rentables que la production de sel. Les principales activités proposées par les femmes étaient la culture de tomates et la pisciculture de clarias et de tilapias. Une troisième solution proposée consistait à améliorer les cuisinières des femmes pour qu’elles fonctionnent au gaz plutôt qu’au bois de chauffe de mangrove, mais la rentabilité économique de cette idée devra être évaluée dans le cadre d’un projet pilote avant d’être mise en œuvre.
D’autres pays d’Afrique de l’Ouest sont confrontés à des problèmes similaires. Au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, les femmes transforment le poisson en le faisant sécher dans la fumée de feux de bois de mangrove, ce qui pose des problèmes environnementaux et sanitaires similaires à ceux observés au Bénin. L’Organisation pour l’environnement et le développement durable au Cameroun a mis en œuvre un projet autour de Kribi, dans la région côtière du sud du pays, qui engage les femmes à élaborer des stratégies pour diversifier leurs revenus, ce qui génère un plus grand sentiment d’appropriation. S’appuyant sur leur expérience de la pêche, les femmes ont développé des activités autour de l’aquaculture : d’abord l’élevage de crevettes, qui a créé d’autres problèmes environnementaux tels que la pollution de l’eau et les maladies, et ensuite l’élevage d’écrevisses, qui s’est avéré plus fructueux. Les femmes contrôlent désormais l’ensemble de la chaîne de valeur d’une exploitation d’écrevisses, de la production et de la transformation au transport et à la vente du produit final. Parmi les autres activités, citons la modification des techniques de fumage du poisson afin de réduire la déforestation des mangroves, la culture de plantes médicinales et la défense de la protection des mangroves.
Pour réussir, les stratégies visant à réduire la pression sur les forêts de mangrove et à améliorer la durabilité des activités traditionnelles telles que la production de sel et le fumage du poisson doivent être adaptées au contexte dans lesquelles elles s’inscrivent. Les femmes du Bénin pourraient bénéficier d’un nouveau projet de diversification des moyens de subsistance qui s’appuie sur les connaissances acquises dans le cadre de divers projets pilotes réalisés ces dernières années. Il pourrait être développé en collaboration avec le Secrétariat de la Convention d’Abidjan dans le cadre du projet Mami Wata, géré par GRID-Arendal, qui œuvre à la protection des écosystèmes et des communautés le long de la côte atlantique de l’Afrique.
Louis PILLE-SCHNEIDER & Dr. Zacharie SOHOU
Photographies : Alison Amoussou (Secretariat de la Convention d’Abidjan) et Marco Vinaccia (GRID-Arendal)