Dieux et mangroves dans la réserve de biosphère de Songor au Ghana.
Le 13 février 2019, l’équipe du projet Mami Wata a rencontré les partenaires nationaux du projet et discuté d’initiatives qui pourraient être reproduites dans d’autres pays signataires de la Convention d’Abidjan.
Dickson est venu nous chercher à 8 heures du matin à notre hôtel à Ada, dans l’estuaire de la Volta au Ghana. Il faisait 28 degrés Celsius et l’humidité était supérieure à 80%. Le programme de la matinée consistait à visiter quelques espaces du site Ramsar Songor et de la Réserve de biosphère de l’UNESCO, l’une des zones humides protégées situées le long de la partie orientale de la côte sablonneuse du Ghana, longue de 550 km. Dickson Agyemang, responsable de site pour la réserve de biosphère, a été notre guide quatre heures durant.
L’équipe du projet Mami Wata était à Ada pour rencontrer les partenaires du projet et travailler sur les plans de cette année. Mami Wata contribue au développement des compétences en gestion marine dans les pays d’Afrique de l’Ouest de la Convention d’Abidjan (ABC).
Le lagon de Songor a été désigné site de conservation Ramsar en août 1992. Ceci signifie que la zone humide est considérée comme ayant une importance internationale en vertu de la Convention sur les zones humides (connue sous le nom de Convention de Ramsar), traité international sur l’environnement établi par l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO). Le site de 51 000 hectares a été désigné comme réserve de biosphère en juin 2011, et comprend une zone de transition, une zone tampon et une zone centrale.
Les réserves de biosphère sont internationalement reconnues et établies pour utiliser et conserver de manière durable la diversité biologique d’une région, ainsi que pour améliorer la relation entre les populations et leur environnement grâce à l’éducation des communautés et grâce à la restauration des écosystèmes. Quatre espèces de tortues menacées – Green, Hawksbill, Leatherback et Olive Ridley – nichent dans le lagon, qui abrite également deux espèces de mangroves (Avicennia africana et Rhizophora racemosa), 57 espèces d’oiseaux migrateurs, lamantins et autres flore.

Nous avons tous sauté dans une fourgonnette et nous sommes dirigés en 15 minutes à notre premier arrêt, le chantier de construction aquacole DansMa, situé dans la zone tampon où une entreprise privée envisage de cultiver des crevettes destinées à l’exportation. Il avait initialement été envisagé que les étangs bordent un ruisseau, mais une zone tampon a été créée, constituée par une route, dans le but de maintenir les étangs de crevettes à l’écart du ruisseau. Les digues du ruisseau ont également été soulevées, empêchant l’eau d’inonder la zone où poussent les mangroves.
« En tant que régulateurs, l’EPA collabore avec la Division de la faune sauvage de la commission des forêts (la Commission) en vue de l’utilisation, de la conservation et de la gestion durables des ressources de la lagune de Songor », a déclaré Carl Fiati, de l’Agence de protection de l’environnement du Ghana (EPA). «Bien qu’il soit difficile de traiter avec les communautés locales et les sociétés privées, nous nous efforçons de veiller à ce que toutes les ressources soient gérées avec sagesse et que l’impact sur l’écologie de la région soit minimal. »
L’arrêt suivant se situe dans une zone située à la limite de la zone centrale, où les communautés locales traitent le sel lorsque l’eau de la lagune s’évapore durant la saison sèche. La production de sel constitue l’une des principales sources de revenus pour répondre aux besoins essentiels des habitants de la réserve.
Dickson nous a ensuite emmenés dans un village dans lequel des efforts concertés ont été déployés pour restaurer et planter les mangroves, grâce à une collaboration entre les membres de la communauté et la Commission des forêts qui a fourni les semis. La disparition des mangroves a entraîné une diminution des précipitations, provoquant des feux de brousse qui empêchent les populations locales de les replanter sur une zone plus vaste. Depuis le début du programme de restauration et de plantation, les précipitations ont peu à peu retrouvé leurs niveaux précédents. La réserve est également confrontée à des problèmes tels que l’empiétement – dû à la croissance démographique, la chasse illégale et l’extraction non autorisée de ressources.
Les mangroves restaurées constituent un lieu de repos et de nourriture pour les oiseaux migrateurs qui attirent les touristes dans la région. Les résidents utilisent également une partie du bois pour construire des abris. L’hydrologie de l’estuaire de la Volta permet à l’eau saumâtre d’inonder certaines parties du lagon, sources de poisson pour la communauté. La restauration des mangroves et la plantation de bois alternatifs sont financées par le programme de micro financements du Fonds pour l’environnement mondial (GEF).

L’avant-dernier arrêt de notre périple nous conduit dans la partie sud de la réserve qui borde l’océan Atlantique et qui offre de longues plages de sable propices à la nidification des tortues. La commission organise régulièrement des discussions avec les écoles locales pour les informer sur les différentes espèces de tortues, sur les efforts de protection et de conservation déployés, et pour faire participer les enfants à la libération des nouveau-nés dans la mer. Sur les sept clans de populations locales, seuls deux consomment de la viande de tortue, les autres les considérant comme des dieux.
La Commission des forêts s’est battue contre le braconnage et est parvenue à réduire le nombre de tortues braconnées en 2018, avec comme but d’éliminer la chasse cette année. Les œufs de tortues sont également menacés par les chiens, les corbeaux et les faucons. Un refuge a été installé dans lequel les œufs sont protégés et surveillés. De même que dans d’autres zones côtières dans le monde, l’érosion constitue un problème majeur, la plage instable perdant parfois deux mètres par semaine. Pour lutter contre l’érosion, les autorités locales ont érigé des barrières tous les 500 mètres sur 22 km. L’environnement côtier fournit des emplois dans l’industrie hôtelière, et constitue le lieu d’activités de loisirs telles que la navigation de plaisance.
« Cette visite sur le terrain a été très informative dans le contexte plus large de la gestion intégrée des océans, » a déclaré Christian Neumann, responsable du projet Mami Wata. « Certaines solutions mises en œuvre dans la lagune de Songor peuvent être reproduites dans la région de Takoradi au Ghana, ainsi qu’au Bénin et en Côte d’Ivoire, pays qui mettent actuellement en œuvre deux autres projets pilotes Mami Wata. »
La visite s’est achevée au bureau de Dickson où l’équipe s’est vue offrir des noix de coco rafraîchissantes.
Marco VINACCIA